Denis "Slim" Tétreault : une vie de service (par Geneviève Tétrault)

Denis "Slim Tétreault"

En novembre 2014, l’Association des descendants de Louis Tetreau a eu le plaisir de recevoir Denis « Slim » Tétreault dans le cadre d’une journée visant à commémorer le centième anniversaire du déclenchement de la Première Guerre mondiale et de la création du Royal 22e Régiment. Ce fut l’occasion d’en apprendre davantage sur la vie des soldats dans le Royal 22e Régiment et de connaître l’implication de ce régiment dans différentes zones de tension à travers le monde.  


Guerre froide

médaille de l'Ordre du Mérite militaire

C’est en pleine Guerre froide, en 1961, que Denis s’enrôle dans l’armée. C’est une décision qu’il prend à la suite de la mort de sa mère. Il fait sa démarche en cachette de son père, avec qui la relation est difficile. Il a 19 ans. Le processus est long; il doit passer toute une batterie de tests, de mars à juin. Il signe finalement un premier engagement de trois ans le 1er juin 1961, à Longueuil. Après avoir fait son entraînement de recrue à la Citadelle de Québec, il est affecté au Royal 22e Régiment et basé à Valcartier, où il fait son entraînement de soldat. Il passera rapidement au grade de caporal suppléant et peut coudre son premier chevron, en forme de V, sur chaque manche de son uniforme entre le coude et l’épaule. Dès 1965, il est muté en Allemagne de l’Ouest, à Werl, où il vivra jusqu’en 1967. 

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a été créée en 1949 afin de protéger l’Europe de l’Ouest contre toute résurgence du nationalsocialisme allemand et toute volonté de l’URSS de prendre de l’expansion. C’est dans ce contexte que le Royal 22e Régiment se trouvait à Werl. Les soldats qui y ont résidé pouvaient y amener leur famille. La vie étant ce qu’elle est, entre 1953 et 1993, des Canadiens y sont morts, d’autres y sont nés. Si bien que 474 Canadiens sont enterrés dans les sections canadiennes du cimetière de Werl. Pendant son affectation en  Allemagne, Denis est passé caporal.   

Il fera un second séjour à Werl, puis à Lahr en Allemagne, de 1970 à 1976, cette fois accompagné de sa femme Colette née Veilleux. Leurs deux enfants y viendront au monde. Durant cette affectation, il sera promu sergent et fait membre du Mérite militaire. L’Ordre reconnaît les soldats pour «services exceptionnels ou rendement exceptionnel dans l’exercice de leurs fonctions».  

Chypre

Ce qui est aussi moins connu, c’est la participation canadienne au conflit chypriote dans le cadre de l’ONU, de 1964 à 1992. Denis y a été affecté deux fois, soit en 1969 et de 1981 à 1982. Les Turcs et les Grecs ont vécu sur cette petite île de la Méditerranée durant de nombreux siècles sous l’Empire ottoman à partir de 1572, puis sous la domination britannique à partir de 1878. Dans les années 1930, les Grecs ont demandé leur rattachement à la Grèce; les Turcs s’y sont opposés et ont plutôt proposé la partition de l’île. Ironiquement, c’est au moment de la décolonisation de l’île que la situation est devenue la plus conflictuelle. La constitution de la nouvelle république prévoit qu’elle sera dirigée par les deux groupes nationaux. Toutefois, le partage des sièges du parlement et du gouvernement ne respecte pas le poids démographique des groupes nationaux. Les Turcs, qui représentaient 18 % de la population, obtenaient 30 % des sièges. Ce n’est pas sans rappeler un certain parlement du Canada-Uni en 1840... Assez rapidement, le président d’origine turque apporte des modifications, que les Chypriotes grecs perçoivent comme une atteinte à leurs droits.   

Des affrontements éclatent alors sur le terrain et l’ONU envoie une force d’interposition dès 1964. En 1974, l’île est séparée en deux parties à la suite d’une tentative de coup d’État de la part du régime des colonels à Athènes (capitale grecque) et à la riposte armée d’Ankara (capitale turque). Malgré de nombreuses tentatives de mettre fin au conflit, à ce jour, celui-ci n’est pas réglé et un mur sépare toujours la partie turque et de la partie grecque.  

En 1976, Denis est rapatrié à Saint-Jean-sur-Richelieu, à l’École de formation des recrues. Pendant trois ans, il participera à la formation des futurs soldats et sera promu adjudant.   

En 1983, Denis, maintenant adjudant-maître, apprendra l’anglais pour être ensuite muté au quartier général de la Défense nationale, à Ottawa. Pendant cinq ans, il travaillera à la gestion et à la planification des carrières, toujours au sein des forces

Les grands honneurs


Il terminera sa carrière à titre de sergent-major régimentaire, à la Citadelle de Québec, puis à la base de Valcartier. Au cours de sa carrière, il a été décoré à de nombreuses reprises. Comme vous pouvez le voir sur la photo, de gauche à droite, il a reçu l’Ordre du Mérite militaire, la Médaille du Service spécial, la barrette de l’OTAN, la Médaille canadienne du maintien de la paix, la Médaille de l’ONU pour ses deux présences à Chypre, la Médaille du jubilé de la reine Elizabeth II, la Médaille du 125e anniversaire de la Fédération canadienne (1992) et la décoration des Forces armées canadiennes comportant une barrette pour 22 ans et une autre pour 32 ans de services.  

C’est donc le 30 juillet 1993, après 32 ans et 2 mois de loyaux services envers son pays et avec une immense fierté, que Denis prend sa retraite. Il garde un souvenir très vif de toutes ces années passées avec ses compagnons d’armes. Des souvenirs de franche camaraderie, quelques coups pendables, mais également des risques qu’il a pris pour maintenir la paix ici et à l’étranger.  

Notes 1– Cité du site du Gouverneur général du Canada (https://www.gg.ca). 

Carte de Chypre en Europe : http://piclucky.net/carte-europe 

Texte extrait du bulletin Les Tétreau disent ... Vol 17, no 2 (octobre 2015)