Tragédie à Saint-Timothée (par Pierrette Brière et Josée Tétreault)

C’est avec des frissons que nous avons pris connaissance d’un effroyable drame vécu à Saint-Timothée en 1952, alors que huit membres de la même famille Tétreault périrent dans l’incendie de leur maison.

Oliva Tétreault et sa famille

Oliva Tétreault nait à Saint-Sébastien dans le comté d’Iberville le 17 mai 1906. Fils d’Auguste Tétreault et de Joséphine Fortin, il est baptisé deux jours plus tard sous le nom de Charles Edouard Oliva Eugène Tétreau.

À Saint-Mathieu de Beloeil, le 28 mai 1940, il épouse Diane Bernard. Le 20 février 1941, un enfant vient au monde à l’Hôpital Sainte-Justine de Montréal mais il ne survit pas. Puis Diane Bernard rend l’âme au même en-droit le 1er mai suivant, laissant Oliva veuf à 35 ans, moins d’un an après son mariage.

Dans l’établissement de santé où on a tenté de sauver la vie de ses proches, Oliva aurait fait la connaissance de Madeleine Deschamps, fille de Georges Deschamps et Marie-Anne Marchesseau. La jeune infirmière de 22 ans serait née en Saskatchewan le 13 août 1921. Il l’épouse à la paroisse Notre-Dame de Grâce de Montréal le 19 sep-tembre 1942.

Au cours des dix années suivantes, huit enfants se succé-deront dans le berceau familial, soit cinq garçons et trois filles. La famille s’établit à Saint-Timothée de Beauhar-nois et vit dans des conditions qui frôlent la pauvreté. Oliva, qui avait été cultivateur puis employé civil, tra-vaille comme agent d’assurances avant d’entreprendre l’exploitation d’un restaurant connu sous l’appellation d’Opiro. À travers ses nombreuses grossesses, Made-leine continue d’exercer comme infirmière afin de com-bler le manque à gagner et de répondre aux besoins pri-maires de la famille.

Le 18 février 1948, devant le notaire Joseph-Médard Leduc, Oliva, alors courtier en assurance, achète un em-placement situé au village de Saint-Timothée, compre-nant plusieurs lots, une maison et une grange. Le 8 sep-tembre suivant, un acte de rétrocession est passé chez le même notaire et toutes les propriétés acquises l’hiver précédent sont reprises par le vendeur. Oliva exerce toujours dans le domaine de l’assurance, mais connaît-il des difficultés financières ? Des proches et des voi-sins témoignent que la famille ne roulait pas sur l’or.

Le drame

Dans la nuit glaciale du 30 janvier 1952, à quatre heures du matin, sept enfants dorment paisiblement dans leurs lits juxtaposés à l’étage de la maison; les parents et le bébé de neuf mois dorment dans une chambre voisine.

Constatant que la température commence à baisser, la maman se lève et augmente le feu dans la fournaise à l’huile installée au pied des lits pour réchauffer la chambre des petits.

Quelques minutes plus tard, le feu éclate au pied de la fournaise. Les parents se précipitent auprès des enfants. Constatant le danger imminent, Oliva sort de la maison en disant à son épouse de lui passer les enfants par la fenêtre. Pierre, l’aîné, sort en premier. Presque au même moment, une explosion se fait entendre et le feu envahit la pièce. Le père tente d’approcher mais l’intensité du brasier rend l’accès impossible. Il entre dans la maison et court vers sa chambre pour sortir la couchette où le bébé est déjà léché par les flammes.

Une voisine est réveillée par les aboiements des chiens et constate avec horreur que la résidence et le restaurant des Tétreault sont en feu. Elle voit un homme qui crie en courant autour du brasier, puis une petite couchette apparaît dans la neige. Son fils se précipite à l’extérieur d’où il revient avec le bébé dont le visage et les mains sont partiellement brûlés; un autre voisin la conduit à l’hôpital avec la petite victime.

Oliva est également amené à l’hôpital souffrant de brûlures à la figure et aux bras pendant que des voisins accueillent le jeune Pierre, seul enfant de la famille à avoir échappé à la tragédie. La petite Marie-Gisèle succombera à ses blessures le lendemain.

La maison est située à environ 25 pieds de la rivière mais les pompiers qui sont sur place ne disposent pas des boyaux requis leur permettant d’amener l’eau nécessaire pour maîtriser l’incendie. En moins d’une heure, la demeure et le commerce adjacent sont réduits en cendres. En moins d’une heure, une mère et sept enfants sont brûlés vifs devant le père et le fils impuissants à leur porter secours.

Le corps de Madeleine Deschamps, 31 ans, est retrouvé avec un enfant dans les bras auprès des lits où ses autres petits sont endormis à jamais; elle a laissé sa vie dans un effort ultime pour sauver les leurs.

La vie après le drame

Les restes calcinés des victimes sont déposés dans un seul et même cercueil. Les funérailles ont lieu le lendemain dans la Cathédrale de Valleyfield en présence d’Oliva, supporté par son père, Auguste Tétreault, ainsi que plusieurs parents et amis, consternés et accablés de douleur.

Oliva Tétreault a certainement vécu des moments très difficiles après cette tragédie. Devenu veuf pour la deuxième fois à 46 ans, il ne se remariera jamais. Il décède à Montréal à l’âge de 57 ans, le 14 mars 1964, quelques jours après avoir eu le bonheur d’apprendre la naissance d’un petit-fils. Son corps est inhumé dans le cimetière de la paroisse Saint-Mathieu de Beloeil, là même où avait été béni son premier mariage.

Cette tragédie, qui a emporté une mère de famille et sept de ses huit enfants, suscite une profonde réflexion tant sur la fragilité de la vie que sur la force et le courage qui permettent de surmonter ce qui semble pourtant l’insurmontable. Souhaitons tout le bonheur possible aux membres de la famille qui ont vécu un tel drame. Apprécions nos proches et tout ce que nous offre le moment présent !

Sources

Bulletin de la Société historique et culturelle de Saint-Antoine-sur-Richelieu - Gens de Saint-Antoine de septembre 2008;
Journal La Patrie 30, 31 janvier et 1er février 1952;
Journal Le Canada Français 19 mars 1964;
Bureau de la publicité des droits - Index aux immeubles;
Généalogie Québec - Mariages et décès 1926-1996,
Registres du Fonds Drouin, Le Nécrologue du Groupe-Nécro (Pierres tombales); Membres des familles Deschamps et Tétreault.