Noëlle Landeau, de Jauzé à Trois-Rivières par Josée Tétreault

Origines de Noëlle Landeau

Noëlle1, fille de Jean Landeau, laboureur, et de Marie Aubert, fut baptisée le mardi 2 novembre 16382 en la paroisse Saint-Barthélemy, village de Jauzé. Les registres de cette paroisse ayant été en partie détruits, nous n’avons que peu d’information sur sa famille. Nous savons qu’au moins deux autres enfants sont nés de l’union de ses parents : Jean, baptisé le 28 février 1634, et Jean, baptisé le 23 octobre 1635. Il est fort probable que Jean né en 1634 soit décédé, puisque l’enfant qui suit porte le même prénom. 

Baptême
Le 2ieme jour de novembre 1638 a esté baptisé Noelle Landeau fille de Jean Landeau & Marie Aubert ses pere et mere & ont esté ses parin et marinne Mathurin Landeau et Noelle Aubert par moy vicaire soubsigné.

Origines de Jean Baudoin, premier époux de Noëlle Landeau

Jean, fils de Jacques Baudoin et de Madeleine Pichon, fut baptisé à Courcival, commune voisine de Jauzé, le dimanche 27 mai 1635(3). On lui connaît au moins cinq frères et une sœur, tous baptisés à Courcival, soit : Pierre (1623), Antoine (1626), Nicolas (1629), Étienne (1632), Madeleine (1639) et René (vers 1645). Parmi ceux-ci, une sœur et un frère viendront le rejoindre en Nouvelle-France. Il s’agit de sa sœur Madeleine, qui épouse Sévérin Ameau en 1662, et de son frère René, qui épouse Marie Raclos, Fille du Roi, en 1671.

La Nouvelle-France, un rêve d’enfants? 

Au milieu du 17e siècle, c’est entre autres à Saint-Cosme-en-Vairais, situé à quelques kilomètres de Jauzé et de   Courcival, que Robert Giffard, seigneur de Beauport, venait recruter des colons pour la Nouvelle-France. C’est ainsi qu’au fil des ans, environ 35 habitants de ce village, issus de 13 familles, s’embarquèrent pour l’Amérique4.  
 
Dès 1644, alors que Noëlle et Jean sont âgés respectivement de 6 et 9 ans, Louis Gagné et son épouse quittèrent SaintCosme-en-Vairais pour la Nouvelle-France. Neuf ans plus tard, son frère Pierre Gagné et son épouse Marguerite Rouzée vinrent le rejoindre. Tout comme Noëlle, Marguerite avait été baptisée dans la commune de Jauzé5. De plus, cinq enfants de Louis Gagné et Marguerite Rouzée furent baptisés entre 1640 et 1651 à Saint-Cosme-en-Vairais et Courcival6. Il semble donc très probable que Noëlle Landeau et Jean Baudoin, ou du moins leurs parents, connurent les familles Rouzée et Gagné.  

Puis, dans les années qui suivirent, plusieurs jeunes hommes habitant les villages voisins de Jauzé et Courcival se rendirent en Nouvelle-France. Ce fut le cas de Pierre Voyer de Marolles-les-Braults7, de Thomas Pageot de SaintAignan, de Massé Besnier de Rouperroux-le-Coquet et de Mathurin Leprêtre de Bonnétable8

Il semble donc vraisemblable que Noëlle Landeau et Jean Baudoin aient entendu parler de la Nouvelle-France, dès leur plus jeune âge, et que ce grand voyage ait alimenté leurs rêves d’enfants. 


Église de Jauzé
Jauzé


Promesse de mariage? 

Dans quelles circonstances Noëlle vint-elle en Nouvelle-France? À cette époque, la presque totalité des femmes célibataires qui s’embarquaient pour la Nouvelle-France étaient soit des engagées ou des religieuses ou encore elles accompagnaient leur parents. Autrement, elles suivaient leur époux. Selon les informations que nous possédons, Noëlle ne semble pas se trouver dans aucune de ces situations. Serait-il possible que Noëlle ait été promise en mariage?    

Il est tout à fait plausible que Noëlle Landeau ait été promise à Jean Baudoin, son futur époux. En effet, Jean était natif de Courcival, village situé à environ 3 kilomètres de Jauzé. Bien que nous ne connaissions pas la date exacte de l’arrivée de Noëlle en Nouvelle-France, nous savons qu’à l’époque une jeune femme ne restait pas célibataire longtemps dans la colonie française. Il y a donc tout lieu de croire qu’elle serait arrivée au cours de l’été 1659.   

Selon l’historien Marcel Trudel, Jean Baudoin serait arrivé en Nouvelle-France en 1658 ou avant, puisque le 30 juillet 16589 il est témoin à un marché. Je n’ai cependant retrouvé aucune trace de ce document.  

Les épousailles 

Le mardi 12 août 1659, Jean Baudoin épouse Noëlle Landeau, à Trois-Rivières. Jean et Noëlle ne concluront leur contrat de mariage que le 24 juin 1660, devant le notaire Séverin Ameau, leur futur beau-frère. Plusieurs notables de Trois-Rivières seront présents lors de la signature de ce contrat, qui stipule :   

« […] Faict le dict contrat aux Trois-Rivières ce jourd’huy vingt quatriesme jour de juin mil six cent soixante en presence de leurs parents et bons amis a scavoir pour le dict Beaudoin de sa part, les sieurs Jacques LeNeuf Escuyer Sieur de la Potterie lieutenant des Trois-Rivières, Damoiselle Marguerite Legardeur femme du dict Sieur de la Potterie, Michel LeNeuf Escuyer Sieur du Herisson lieutenant general civil et criminel au gouvernement des TroisRivières, François Poulain Sieur de la Fontaine procureur fiscal aux Trois-Rivières, […] Madelaine Beaudoin (sœur de Jean); et de la part de la dicte Landeau ont assisté Jean de Godefroy Escuyer sieur de Lintot au logis duquel elle est a present demeurante, damoiselle Marie Leneuf femme du Sieur de Godefroy, Louis de Godefroy Escuyer Sieur de Normanville, Jacques de Godefroy Escuyer Sieur de Vieuxpont, […] ». 

On apprend, par ce contrat, que Noëlle Landeau habite chez Jean de Godefroy, sieur de Lintot, et son épouse Marie Leneuf.

Jean Baudoin, coureur des bois?

Il est probable que Jean Baudoin10 ait été coureur des bois. En effet, jusqu’en 1665, Trois-Rivières était un important poste de traite en Nouvelle-France. Son époux étant absent la majeure partie du temps, Noëlle aurait logé chez le sieur de Lintot, membre de la communauté des habitants. De plus, l’un des fils du sieur de Lintot, Jacques, était un important marchand de fourrures, près de Trois-Rivières, tout comme Michel Leneuf du Hérisson, frère de Jacques Leneuf, sieur de la Poterie.    

L’un des rares documents que nous possédons, concernant Jean Baudoin, se trouve dans les archives de la prévôté de Trois-Rivières, en date du 4 juin 166111. Cette cause concerne des hardes appartenant à Antoine Bry dit Larose, qui  ont été retirées de chez Jean Baudoin, par le sieur de la Poterie, gouverneur de Trois-Rivières. On apprend, à ce moment, qu’Antoine Bry dit Larose a été fait prisonnier par les Iroquois. Probablement a-t-il été tué par eux, puisque l’on n’entendra plus jamais parler de lui. Son acte de sépulture n’a jamais été retrouvé, tout comme celui de Jean Baudoin.

La famille s’agrandit…

Le 8 avril 1661, à Trois-Rivières, sera célébré le baptême de Louis Baudoin, premier enfant de Jean et Noëlle. Ses parrain et marraine seront Louis Godefroy, fils de Jean, et son épouse, Marguerite Seigneuret.   

L’année suivante, le 22 avril 1662, ils feront baptiser leur second enfant, Madeleine. Le parrain de celle-ci sera Massé Besnier, originaire de Rouperroux-le-Coquet, village voisin de Jauzé et de Courcival. La marraine sera Madeleine Baudoin, sœur de Jean. À ce moment, on apprend que Jean Baudoin est décédé, puisqu’il est inscrit au registre des baptêmes que Madeleine est la fille posthume de Jean Baudoin.

Le 9 juin 1663, à Trois-Rivières, Noëlle Landeau, veuve de Jean Baudoin, épouse Louis Tetreau. Au même endroit, 350 ans plus tard, de nombreux descendants, venus du Canada, des États-Unis et même de la France, se sont rassemblés pour commémorer cette union. 

Notes

1 Dans cet article, nous utiliserons le prénom de Noëlle, puisque c’est celui qui figure dans son acte de baptême ainsi que dans celui de ses deux mariages. Ce n’est qu’à partir de 1664 que nous la retrouvons parfois sous le nom de Marie-Noëlle.

2 Registres paroissiaux de la commune de Jauzé, département de la Sarthe, France.  

3 Registres paroissiaux de la commune de Courcival, département de la Sarthe, France.  

4 Culture, patrimoine, folklore du Saosnois en Sarthe, le Maine-Normand (72), http://www.saosnois.com/st%20cosme%20en% 20vairai/histoire_de_st_cosme_de_vair.htm  

5 Registres paroissiaux de la commune de Jauzé, département de la Sarthe, France. 

6 Culture, patrimoine, folklore du Saosnois en Sarthe, le Maine-Normand (72).  

7 Normand Robert, Nos origines en France : Des débuts à 1825, Anjou, Maine, Orléanais et Touraine, Tome 5, Société de recherche historique Archiv-Histo, Montréal, 1994, p. 68.

8 Fichier Origine : Thomas Pageot, Massé Besnier, Mathurin Leprêtre.  

9 Marcel Trudel, Catalogue des immigrants 1632-1662. Montréal, Hurtubise HMH, 1983.  

10 Bien que mieux connu sous le nom de coureur des bois, celui qui faisait la traite des fourrures était en réalité un voyageur.

11 Archives nationales du Québec (Trois-Rivières), document de la prévôté de Trois-Rivières, 4 juin 1661.  

Saint Frère André

Madeleine Baudoin, fille de Jean Baudoin et Noëlle Landeau, épouse Martin Foisy vers 1674, à Champlain. Onze enfants naîtront de cette union. Parmi leurs descendants, nous retrouvons Alfred Bessette, le célèbre « saint frère André », qui descend directement de Martin Foisy et Madeleine Baudoin, par sa mère Clothilde Foisy.