Noël à La Guichardière 1951-1957 (par Jean-Claude Desfrançois)

Fragon

Les hivers des années 50 étaient longs et rigoureux à La Guichardière, village de la commune de Tessonnière. Nous avons encore en mémoire le terrible mois de Février 1956 avec des températures parfois de -20 à -25° pendant près d’un mois. Aussi, la neige était-elle fréquente à Noël.

C’était la saison des veillées dans les fermes. Les voisins se retrouvaient pour passer la soirée ensemble. Les hommes jouaient aux cartes, le Trut était le jeu le plus populaire. Les femmes aimaient les jeux de société comme Les Petits Chevaux et le jeu de l’Oie qu’elles apprenaient aussi aux enfants. Ceux-ci jouaient entre-eux ou écoutaient le grand-père assis auprès du feu au coin de la cheminée. Il nous racontait les vieilles histoires du passé, au village. Il évoquait rarement sa guerre de 1914-1918.

Parfois l’on cassait des noix et des noisettes que l’on partageait.

Deux semaines environ avant Noël, j’allais dans la forêt de Tessonnière, au bois des Thureau, le seul endroit comportant des sapins. Je coupais une branche bien fournie. Je cueillais aussi du houx fragon et de la mousse fine au pied des chênes. Avec ma mère, nous placions le tout, couvert de guirlandes, avec la crèche, au pied de la cheminée.

La veille et le jour de Noël étaient vécus comme des jours ordinaires dans notre campagne. Il était bien célébré une messe de minuit et une messe de Noël à Tessonnière. Je vois encore dans mon souvenir, ma voisine Marie Marot, une dame veuve âgée. Le matin de Noël, elle remplissait son chauffe-pieds de braises de sa cheminée. Elle partait par le froid, chaudement vêtue de laines, à pieds et en sabots dans la neige. Elle empruntait le chemin de la forêt pour se rendre à l’église de Tessonnière distante d’un kilomètre. A l’intérieur, assise, elle maintenait ses pieds au chaud dans la nef glaciale. (Evidemment le chauffage n’existait pas). D’autres femmes faisaient de même.

Route de La.. Guichardière

La veille, dans l’attente de la venue du père Noël, les familles plaçaient leurs souliers du dimanche, bien cirés devant la cheminée. Le lendemain matin, au réveil, chacun y trouvait invariablement une orange. C’était Le cadeau. Les enfants pouvaient découvrir, en plus, un petit personnage en chocolat et quelque sucrerie.

Fait plutôt rare, Christian Jaunet, mon voisin et ami, presque de mon âge, a reçu de beaux jouets pour l’époque : Jeu de Meccano et train mécanique.

Le repas de Noël était le même qu’à l’accoutumée. Les Noël étaient donc succincts et vécus dans une extrême simplicité générale. Il en était de même pour le jour de l’an à la seule différence que les petits enfants allaient frapper aux portes des maisons en disant « Bonne année, bonne santé, paradis à la fin de vos jours! ». Les villageois leur donnaient une petite pièce d’un franc ou un bonbon. Les enfants allaient ensuite à l’épicerie acheter des caramels mous à un franc.

Nous vivions ainsi de cette façon avant l‘arrivée de la télévision et du téléphone. Noël était moins célébré que Pâques qui était la plus grande fête religieuse de l’année. Les familles se rassemblaient et les femmes confectionnaient alors un copieux repas, avec en dessert : gâteaux (Le Broyé du Poitou) et liqueurs de la maison. C’était alors un joyeux jour de fête en famille avec l’air du printemps.

En conclusion, je vous cite deux vieux dictons du Poitou et de notre Gâtine : 

« Lune blanche à Noël

Bon grain à ramasser »     

Et

« Les hivers les plus froids

Sont ceux qui prennent aux Rois »

On disait ainsi que les six premiers jours de janvier indiquent le temps qu’il fera pendant chacun des six premiers mois de l’année et que les six derniers jours préfigurent les six derniers mois.

Crèche sous le ballet de la vieille église de Tessonnière en 2011